Critiques,  Films

The Substance (2024)

Une actrice oubliée se fissure comme sa plaque sur le trottoir d’Hollywood. Reléguée au rang d’animatrice de fitness à la télévision, elle est remerciée le jour de ses 50 ans. Mais un traitement miracle promet de lui rendre sa jeunesse et d’attirer à nouveau le regard des caméras, et donc des hommes…

Avec The Substance, la réalisatrice française Coralie Fargeat livre un film de body horror résolument féministe, un genre populaire dans les années 80, qui joue sur la métaphore de la dégradation du corps. Le spécialiste David Cronenberg en a fait sa marque de fabrique dans des films comme La Mouche ou La Chose. Plus récemment, des incursions dans le style, comme l’excellent Under the Skin avec Scarlett Johansson en extraterrestre tueuse, ont fait sortir ces films du ghetto de l’horreur. Le film va aussi puiser discrètement du côté du surréaliste The Neon Demon de Refn, de Eraserhead de Lynch et, bien entendu, revisite Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde.

Dans cette scène du début la filmographie de Cronenberg est condensée en clin d’oeils

Pas de retraite pour les starlettes
Un bon film d’horreur est toujours un manifeste politique [1] qui interroge nos craintes, nos valeurs, nos obsessions en utilisant le miroir déformant du dégoût.

Avec le body horror, le dilemme est spirituel :

Ne serions-nous tous que de la viande ?

À cette question, Coralie Fargeat nous fait vite comprendre que ce n’est pas tant la viande qui compte que sa date d’expiration, et qui fixe celle-ci.

Quand tu regardes l’industrie, n’oublie pas qu’elle regarde ton cul

Et l’expression de cet arbitraire, c’est le male gaze, ce regard masculin tantôt lubrique, tantôt impitoyablement dur que porte un monde d’hommes sur les femmes. Un regard totalitaire qui aliène, avec son cortège d’injonctions.

Sois belle et tâche tout !
La fin du film renoue avec un style parisien désuet : le grand guignol. Attention, ça tâche, et pas qu’au premier rang, c’est toute l’assistance qui se prend une magnifique et glorieuse giclée d’hémoglobine. Une manière de rappeler que parfois tout le monde est mouillé dans cette histoire.

Les déclarations d’intention maladroites et spontanées de l’après-BLM, de l’après-MeToo ont laissé la place à un cinéma de lutte (autre exemple : Get Out) qui a définitivement quelque chose à dire et se donne le luxe de le dire bien.

Ça te plaira si :

  • Tu as l’estomac bien accroché, le film m’a laissé un peu nauséeux.
  • Le style de réalisation « électrochoc » te parle.

Ça ne te plaira pas si :

  • Tu pleurniches comme une grosse victime dès qu’une femme a un truc à dire sur le féminisme.
  • T’es Harvey Weinstein.

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