V pour Vendetta
Avant les gilets jaunes. Avant la propagande d’extrême droite sur youtube. Avant les pseudo-hackers anonymous, avant le film de la Time Warner, avant les émeutes de Seattle un homme portait déjà un masque de Guy Fawkes.
Aujourd’hui ce masque est omniprésent, et utilisé pour dire tout -et surtout n’importe quoi- et son contraire sous l’étiquette vague et commode de rebelle. Comment une pure créature du règne despotique de Margaret Thatcher est-elle devenue ce symbole de subversion?
Comme pour bien des œuvres déjà anciennes (Brazil, Alphaville, Farhenheit 451), le futurisme proche de l’album est désormais une dystopie, dans une réalité alternative (les événements couvrent la fin des années 80 aux années 90). Suite à une guerre nucléaire globale qui a épargné la Grande Bretagne, un ordre néo-fasciste a émergé du chaos en appliquant un projet génocidaire global à l’image du parti nazi.
V donc. De lui on ne saura pas grand-chose, schizophrène protecteur des arts, ex-martyr devenu bourreau, il terrorise un régime fasciste découpés en organes (l’œil, la main, le nez) qui sont autant d’administrations corrompues. Il est bien plus terroriste que combattant de la liberté. Plus cynique qu’idéaliste aussi. Et c’est ce qui lui donne sa sincérité. V n’espère pas tant changer le monde qu’émanciper les hommes en les jetant dans le grand bain d’acide de l’autodétermination libertaire. Et tant pis pour ceux qui ne savent pas nager.
Cette ambiguïté morale est malheureusement contrebalancée par une vision assez naïve du pouvoir et de la politique. La grille de lecture du monde « extrême-droite/anarchie » et la critique de la toute puissante administration (avec son ordinateur despotique) semble avoir complètement loupé le coche des nouvelles formes d’aliénation nées en cette fin de siècles.
C’est donc un pouvoir autoritaire particulièrement ringard, très «rouge-brun» que V le hacker-militant (même si là pour le coup, la BD était en avance pour son temps) fera tomber. Ce qui s’appelle en rhétorique un homme de paille, un ennemi caricatural qui ne rend pas les coups qu’on lui porte.
Rien que pour cet aspect, la bande dessinée mérite une sérieuse mise à jour. Et l’on se prend à rêver d’un V 2.0 attaquant à la gorge la ploutocratie, la passivité consentie post-moderne, l’écocide global, les GAFAS et Monsanto.
Même si pour le coup l’œuvre serait plus proche du documentaire que de la fiction…
Ça te plaira si : L’anarchie t’intéresse comme champ d’étude intellectuel. Tu aimes la rébellion 80’s so british genre « London Calling » et les citations verbeuses.
Ca te plaira pas si : T’es encarté à un parti politique. Tu es un anar « beauf », genre idiot utile. Tu es daltonien (cette douleur dégelasses).