Joker (2019)
Arthur Fleck est un clown triste avec un trouble compulsif tout juste bon à être tabassé par des mômes dans une ruelle de Gotham. Voici l’histoire d’un loser en chute libre qui deviendra la Némésis emblématique de Batman.
C’est risqué de faire un film sur le joker de nos jours. Et si un taré se maquillait comme lui avant d’aller tirer sur la foule? Pour l’acteur il y a aussi le péril de se frotter au rôle de légende de Heath Ledger et Nicolson et au naufrage de Jared Leto. Ou d’être éclipsé par des comédiens cabotins de premiers plan peu habitués aux seconds rôles comme De Niro.
Peu charismatique, mais animé d’un magnétisme animal propre aux déments et aux fanatiques, Joaquin Phoenix était le choix parfait. Sa propre personnalité complexe, son engagement sans concession pour le véganisme et sa lutte contre l’alcool lui donne l’aura de qui a connu la souffrance, juste assez pour l’incarner.
Les critiques et accusations de violence du film que réfute férocement le Réal sont emblématiques. Elle ne porte que sur la violence de l’individu-Joker. Pourtant la violence dans Joker est systémique, institutionnelle et kafkaienne.
C’est la brutalité absolue d’une ferme des animaux qui abandonne les malades mentaux et rigole de leur détresse sur les plateaux télé. D’un système incapable d’assister un homme qui sombre, mais toujours prêt à lui mettre dans les mains un revolver. La violence de la société du spectacle, de la rue, de New York.
Alors, pour se distancier, le film a choisi de se situer dans les années 80 à l’apogée Reaganienne. Là où l’American Dream naif de prospérité est devenu l’empire des traders que nous connaissons.
Mais personne n’est dupe. Joker nous parle de nous, ici, et maintenant. Des fêlures d’une société que seules sa cruauté et sa cupidité tiennent encore.
Arthur n’est finalement que le gladiateur dément d’un empire qui s’effondre, le Spartacus qui ouvrira la porte aux barbares.
Et si il était le véritable justicier aveuglé par sa folie? Cette ambiguïté-là n’est jamais poussé par la narration, elle s’impose petit à petit… Et l’on comprend la fascination envers le nihilisme d’un homme qui n’a plus rien à perdre, car il n’a jamais rien eu.
À côté de lui, de sa misère et de sa solitude, Batman fait figure de privilégié. De nantis qui joue à la justice sans jamais avoir connu l’injustice ailleurs qu’a travers les grilles de sa propre cage dorée.
Joker explique finalement le plus grand mystère des films hollywoodiens du terrorisme et du crime organisé. A savoir pourquoi les super vilains (les vrai cette fois) arrivent toujours à trouver des hordes de seconds couteaux fanatisés prêts à mourir en martyrs d’une cause délirante.
Car le reste du monde se fiche d’eux.
Ca te plaira si : Tu aimes être collé à un personnage tout le film (genre the Wrestler, Black Swan ou Birdman) et le voir évoluer. Tu trouves que Batman est un fayot. Tu aimes qu’on te parle de politique et d’actualité par surprise.
Ca te plaira pas si : T’as aimé Guardian of the Galaxy 2 (pauvre fou), t’en a pas un peu marre des films de super héros, t’aime pas trop les nuances de gris et tu préfères les personnages moins complexes. T’as besoin de passer une bonne soirée et de rire un coup.